Beaucoup pensent que Christopher Nolan a réalisé un film appelé The Believer. C’est une erreur courante - et pourtant, ce film n’a rien à voir avec lui. The Believer, sorti en 2001, est un drame intense sur un jeune juif devenu néo-nazi, joué par Ryan Gosling. Il a été réalisé par Henry Bean, pas par Nolan. Ce malentendu vient probablement du fait que les deux films explorent des thèmes moraux profonds, mais leurs réalités sont totalement différentes.
Le vrai premier film de Christopher Nolan s’appelle Following. Il a été tourné en noir et blanc, avec un budget de seulement 6 000 dollars. Pas de financement de studio. Pas d’équipe professionnelle. Juste Nolan, ses amis, une caméra empruntée, et une détermination folle.
Nolan, alors âgé de 28 ans, travaillait comme producteur de vidéos corporatives pour payer ses factures. Il a utilisé son salaire pour acheter du film 16 mm, payer le développement, et louer un peu d’équipement. Il a tourné le film le week-end, pendant un an, entre deux journées de boulot. Les acteurs - Jeremy Theobald, Alex Haw, Lucy Russell - ont été payés entre 100 et 200 dollars. Son frère John Nolan a joué un inspecteur de police, sans être crédité.
Le film dure 70 minutes. Il est coupé sur une table Steenbeck, une machine ancienne, pendant six mois, après chaque journée de travail. Nolan a tout fait : réalisateur, scénariste, caméraman, monteur, producteur. Il n’y avait pas de second assistant, pas de régie, pas de maquilleuse. Juste lui, une idée, et une histoire qui tournait autour de la mémoire, de l’identité, et de l’obsession.
Following raconte l’histoire d’un écrivain sans inspiration qui suit des inconnus pour trouver de l’inspiration. Il finit par croiser un cambrioleur, et la ligne entre observateur et participant se brise. Le récit est décalé dans le temps : les scènes ne suivent pas un ordre linéaire. C’est un puzzle que le spectateur doit reconstituer.
C’est la même technique qu’il utilisera plus tard dans Memento - mais ici, c’est plus brut, plus cru. Pas de budget pour des effets, pas de musique dramatique. Juste des ombres, des portes qui claquent, des voix dans l’obscurité. Roger Ebert, dans sa critique de 2000, a écrit : « Nolan fait une vertu de ses limites. Il crée un monde qui semble authentiquement marginal. »
Le film n’a pas été un succès commercial au départ. Il a été projeté dans 27 festivals, de San Francisco à Londres. Puis, Columbia-TriStar l’a acheté pour 250 000 dollars. Il a rapporté 245 000 dollars dans le monde entier. Ce n’est pas un blockbuster. Mais en pourcentage de retour sur investissement, c’est l’un des films les plus rentables de l’histoire du cinéma indépendant : plus de 4 000 %.
Le film de Henry Bean, The Believer, est un autre type de projet. Budget : 1,8 million de dollars. Acteurs professionnels. Thèmes politiques explicites : antisémitisme, identité religieuse, violence. Ryan Gosling, alors âgé de 20 ans, y donne une performance déchirante. Il a gagné le Grand Prix du public au Festival de Sundance.
Christopher Nolan, lui, ne fait pas de films politiques. Il ne traite pas de race, de religion ou d’idéologie. Il explore la mémoire, le temps, la perception. Dans Following, le personnage principal n’est pas un extrémiste - il est un voyeur. Il cherche à comprendre, pas à détruire. C’est une différence fondamentale.
Les deux films sont des drames psychologiques. Mais l’un est un manifeste social. L’autre, une expérience sensorielle. C’est pour cela que les gens les mélangent. Ils pensent : « Un film noir, un personnage torturé, un réalisateur indépendant... c’est forcément Nolan. » Mais non. Ce n’est pas lui.
En 1998, le cinéma indépendant américain était dominé par des films comme Clerks ou El Mariachi - des films faits avec peu d’argent, mais qui avaient un ton léger, humoristique, ou pop. Following a apporté quelque chose de nouveau : une structure narrative complexe, sans moyens.
Il a prouvé qu’on pouvait faire un film intelligent, obscur, non linéaire - sans budget, sans stars, sans soutien. Il a inspiré des réalisateurs comme David Fincher, Darren Aronofsky, et même Denis Villeneuve. Le film a été cité dans plus de 200 thèses universitaires sur le cinéma indépendant.
La British Film Institute l’a classé comme l’un des 12 films indépendants les plus influents de la décennie 1990-2000. En 2022, la Bibliothèque du Congrès américain l’a ajouté au National Film Registry - une reconnaissance réservée aux films « d’importance culturelle, historique ou esthétique ».
En 2018, le Criterion Collection a sorti une édition Blu-ray de Following avec la voix de Nolan en commentaire. Il y explique comment il a fait pour obtenir des ombres aussi profondes avec une caméra 16 mm - en surexposant légèrement le film, puis en le développant de manière à garder les détails dans les noirs.
En mars 2024, la BFI a annoncé une restauration 4K du film, qui sortira en décembre 2025. Ce n’est pas un simple remaster. C’est une reconstruction à partir des négatifs originaux, conservés dans un laboratoire en Angleterre.
Depuis le début de l’année 2025, les vues du film sur The Criterion Channel ont augmenté de 300 %. Pourquoi ? Parce que Nolan vient d’être fait chevalier par le roi Charles III. Les gens veulent comprendre d’où il vient. Et la réponse, c’est Following.
Sur Letterboxd, le film a une note moyenne de 3,5 sur 5, avec plus de 42 000 avis. Les commentaires les plus fréquents : « C’est un chef-d’œuvre de patience et d’intelligence. » « Je ne comprends pas tout, mais je sens qu’il y a quelque chose de profond. » « Je l’ai vu trois fois. Chaque fois, je vois un détail différent. »
Sur Reddit, dans la communauté r/TrueFilm, un thread de 2022 a recueilli plus de 1 200 upvotes. Un utilisateur écrit : « Le fait qu’il ait fait ça avec une caméra empruntée, pendant ses week-ends, c’est une leçon pour tous les jeunes réalisateurs. »
Il y a aussi des critiques. Certains trouvent le film trop froid, les personnages trop vagues. Un utilisateur sur IMDb le note 2,5/10 : « La structure est un gimmick ici. Il n’a pas encore appris à faire ressentir quelque chose. »
Et pourtant... ce film a conduit à Memento. Et Memento a conduit à Inception. Et Inception a conduit à Oppenheimer. Ce petit film noir et blanc, tourné dans des appartements de Londres, est la racine de tout.
Christopher Nolan n’a jamais fait The Believer. Ce film appartient à Henry Bean. Mais Nolan a fait Following - un film encore plus rare, parce qu’il n’a pas eu besoin de rien pour le faire. Pas d’argent. Pas de permission. Pas d’excuse. Juste une idée, et le courage de la suivre.
Si vous voulez comprendre Nolan, ne regardez pas ses blockbusters. Regardez ce film. Il est court. Il est sombre. Il est lent. Il ne vous dit pas ce que vous devez penser. Il vous oblige à penser.
Et c’est là, dans ce silence, dans ces ombres, que tout a commencé.
Non, Christopher Nolan n’a jamais réalisé 'The Believer'. Ce film de 2001 a été écrit et réalisé par Henry Bean. Il met en scène Ryan Gosling dans un rôle controversé. Nolan n’a aucun lien avec ce film. Il s’agit d’une erreur fréquente, probablement due à la similarité des thèmes moraux explorés dans certains de ses propres films.
Le vrai premier film de Christopher Nolan s’appelle Following. Sorti en 1998, il a été tourné en noir et blanc sur un budget de 6 000 dollars, avec des acteurs non professionnels, et une équipe composée de ses amis. Nolan a joué tous les rôles : réalisateur, scénariste, caméraman, monteur et producteur. Ce film est la base de toute sa carrière.
'Following' est important parce qu’il a prouvé qu’on pouvait faire un film intelligent, complexe et artistique avec un budget minuscule. Il a inspiré une génération de réalisateurs indépendants en montrant que la narration non linéaire et l’expérimentation formelle n’ont pas besoin de millions de dollars. Il a été ajouté au National Film Registry en 2022 pour son importance culturelle et esthétique.
'Following' est disponible sur le Criterion Channel, ainsi que sur la version Blu-ray du Criterion Collection, sortie en 2018. Cette édition inclut la voix de Christopher Nolan en commentaire, ainsi que des extraits de ses premières notes de tournage. Une restauration 4K sera publiée en décembre 2025 par la British Film Institute.
Oui, il peut l’être. La structure temporelle est délibérément désordonnée, et les personnages ne donnent pas d’explications claires. Mais c’est précisément ce qui le rend puissant. Il ne vous donne pas de réponses - il vous oblige à poser les bonnes questions. Beaucoup de spectateurs le regardent plusieurs fois, et chaque visionnage révèle un nouveau détail. Ce n’est pas un film pour être vu une fois - c’est un film pour être vécu.